Manioc ivoirien : faire de la recherche et de la coopération un levier de transformation

Introduction
Le manioc occupe une place centrale dans l’alimentation et l’économie ivoiriennes. Qu’il soit consommé sous forme de placali, d’attiéké ou de tapioca, ce tubercule nourrit des millions de personnes et fait vivre des milliers d’agriculteurs. Pourtant, la filière reste largement sous‑exploitée : rendements faibles, pertes post‑récolte importantes et chaîne de valeur peu structurée freinent son développement. Consciente de ces défis, Ceemo SAS s’engage dans une dynamique de rapprochement des opérateurs ivoiriens et des entreprises étrangères afin de moderniser la filière. Ce partenariat se veut un accélérateur pour d iffuser des innovations agricoles, structurer les acteurs et ouvrir de nouveaux marchés.
Un état des lieux contrasté manioc côte d’ivoire
En Côte d’Ivoire, la production de manioc a connu une progression remarquable, passant d’environ 2,3 millions de tonnes en 2010 à une estimation oscillant entre 5,8 et 7,2 millions de tonnes ces dernières années. Cette dynamique témoigne de l’importance croissante du manioc dans les systèmes vivriers nationaux, ainsi que de la résilience de cette culture face au changement climatique.
Pour autant, le potentiel est loin d’être exploité : les rendements moyens tournent autour de 5 à 10 tonnes par hectare, alors que les meilleures variétés améliorées peuvent produire 35 à 40 t/ha, voire jusqu’à 50 t/ha dans des conditions optimales. À ces contraintes de productivité s’ajoutent des pertes post-récolte estimées à près de 40 %. Celles-ci s’expliquent par la détérioration rapide des tubercules, qui débute souvent 48 à 72 heures après l’arrachage. En l’absence d’unités de transformation modernes et accessibles, une grande partie de la production se détériore avant d’être valorisée, entraînant ainsi un manque à gagner considérable pour les producteurs et limitant la compétitivité de la filière.
Défis structurels à lever
Malgré son fort potentiel économique et social, la filière manioc en Côte d’Ivoire demeure freinée par de nombreux obstacles structurels qui limitent sa compétitivité.
 
- Maladies virales : la mosaïque et la striure brune entraînent des pertes de rendement pouvant atteindre 70 % dans les parcelles sensibles. Un plan national de riposte a été mis en place.
- Variétés peu performantes : beaucoup d’agriculteurs utilisent encore des variétés traditionnelles, peu résistantes et à faible rendement.
- Accès limité aux intrants et au financement : semences certifiées, fertilisants, stockage et équipement coûtent cher ou sont difficiles à trouver en zone rurale.
- Manque de formation : le transfert des innovations depuis les centres de recherche vers le terrain reste limité. De nombreux producteurs ne bénéficient pas d’un accompagnement technique régulier pour améliorer leurs pratiques culturales et post-récolte.
- Infrastructures défaillantes : routes en mauvais état, absence de chaînes de froid, faibles capacités de transformation entraînent d’importantes pertes post-récolte.
- Fragmentation de la chaîne de valeur : producteurs dispersés, coopératives fragiles, faible pouvoir de négociation et manque de coordination entre les acteurs.
- Contraintes réglementaires et normatives : pour exporter, il faut respecter des normes sanitaires, de qualité et de traçabilité, ce qui nécessite des laboratoires agréés et des procédures certifiées.
 
Innovations et initiatives porteuses
Face à ces défis, plusieurs initiatives voient le jour. L’Association des Acteurs de la Filière Manioc (ADFMA) collabore avec le centre de recherche WAVE pour tester des variétés améliorées, former les producteurs et élaborer des plans de lutte contre les maladies virales. Grâce aux programmes WAAPP et CORAF, des variétés de manioc produisant 20 à 50 t/ha sont introduites dans plusieurs régions, et des pépinières locales diffusent des plants sains. Des plateformes multi-acteurs réunissant producteurs, transformateurs et institutions favorisent la contractualisation et l’inclusion des femmes dans la chaîne de valeur. La stratégie sectorielle manioc et dérivés, élaborée avec l’ITC, vise à structurer la filière, renforcer les unités de transformation et faciliter l’accès aux financements. Par ailleurs, la filière commence à attirer des investisseurs privés (transformation de farine locale, amidon) et à générer des revenus importants : selon une étude du CIRAD, la chaîne de valeur du manioc ivoirien représentait environ 514 milliards de FCFA (≈ 850 millions USD) en 2018.
Vers l’ouverture internationale : opportunités et exigences
Le manioc n’est plus seulement une culture de subsistance : il est désormais un produit stratégique à l’échelle mondiale. Le marché international du manioc est estimé à environ 164 milliards de dollars en 2023 et pourrait atteindre plus de 220 milliards de dollars en 2030. La demande croît pour l’amidon (5,45 milliards USD en 2023, projection 8,14 milliards USD en 2030) et pour les produits sans gluten. Environ 70 % de la production mondiale se concentre cependant dans cinq pays (Nigeria, Brésil, Thaïlande, Indonésie et RD Congo). La Côte d’Ivoire reste un acteur modeste : elle a exporté environ 641 000 USD de manioc en 2023 et seulement 49 000 USD d’amidon. Attiéké et placali constituent l’essentiel de ses dérivés exportés. Pour conquérir des marchés à plus forte valeur ajoutée, le pays doit s’aligner sur les normes sanitaires, améliorer la traçabilité et proposer des produits de qualité constante. Les partenariats internationaux sont l’occasion de transférer des technologies (machines de transformation, chaîne du froid, laboratoires), d’obtenir des labels (bio, commerce équitable) et de développer des produits transformés (chips, farine, amidon modifié). Ils peuvent aussi amortir les fluctuations locales des prix et diversifier les débouchés.
Ceemo : catalyser la coopération entre la Côte d’Ivoire et le monde
C’est dans ce contexte que Ceemo SAS initie un rapprochement entre entreprises étrangères et opérateurs ivoiriens. Certaines régions disposent d’un savoir-faire reconnu dans l’agroalimentaire, la valorisation des produits agricoles et la logistique portuaire. Les besoins ivoiriens sont nombreux : équipements de transformation pour produire de la farine, de l’amidon ou des chips ; systèmes de stockage et de conservation pour réduire les pertes ; expertise en certification et en marketing international. Ceemo se positionne comme facilitateur : sa plateforme met en relation les opérateurs, identifie les besoins et opportunités, et accompagne les projets (études de marché, recherche de financements, appui logistique). Pour les entreprises étrangères, c’est l’opportunité de diversifier leurs marchés et de contribuer à une filière durable, tout en s’appuyant sur un partenaire local solide.
Les mots de notre expert-associé Bassirou Mané
« Au-delà des chiffres, la réussite d’une filière se joue sur le terrain. L’exemple de Tivaouane au Sénégal montre bien ce que peuvent apporter la recherche et la coopération internationale. Grâce au programme WAAPP, les producteurs sénégalais ont remplacé des variétés traditionnelles peu productives par des plants venus du Ghana. Résultat : des rendements passant de 11 t/ha à plus de 25 t/ha sous pluie, avec des revenus qui grimpent et des tubercules plus résistants aux maladies. Ce boom de la production a ouvert la voie à la transformation locale du manioc en farine, gari ou fufu, créant des emplois pour les femmes et réduisant la dépendance aux importations de blé.
Chez Ceemo, nous croyons à la puissance de ces synergies. Notre rôle est de connecter les acteurs ivoiriens à ces innovations éprouvées, de favoriser l’accès à des équipements performants et d’accompagner la structuration des coopératives. En Côte d’Ivoire comme au Sénégal, le manioc peut devenir un moteur de développement rural, à condition de valoriser chaque maillon de la chaîne – de la semence au marché. C’est cette vision, ancrée dans l’expérience de terrain, que nous portons avec nos partenaires. »
Un potentiel à concrétiser
Le manioc ivoirien peut devenir un pilier de sécurité alimentaire et de croissance économique. Pour y parvenir, il faudra lever les verrous agronomiques (variétés améliorées, lutte contre les maladies), réduire les pertes post‑récolte et structurer la chaîne de valeur. L’ouverture à l’exportation offre des perspectives stimulantes, à condition de respecter les normes et d’investir dans la transformation. Ceemo SAS a une conviction : la transformation durable des filières agricoles passe par la recherche, l’innovation et la coopération internationale. Elle invite les producteurs, transformateurs et entreprises intéressées à rejoindre cette dynamique pour faire du manioc ivoirien une référence en Afrique et dans le monde.
Références
Ecofin, Côte d’Ivoire : la filière manioc mise sur la recherche pour améliorer la productivité (2023)
CIRAD (2018), Étude sur la valeur ajoutée de la filière manioc en Côte d’Ivoire
FAO, Compendium sur les pertes post-récolte
WAVE (West African Virus Epidemiology), Programmes de recherche sur le manioc
WAAPP / CORAF, Diffusion de variétés améliorées de manioc
OEC (Observatory of Economic Complexity), Statistiques exportations Côte d’Ivoire, HS 07.14 et HS 110814
COMTRADE/WITS, Données du commerce international 2023
Grand View Research, Global Cassava Market Report (2023–2030)
Grand View Research, Cassava Starch Market Report (2023–2030)






 
  
  
  
 



